Micropolluants, coûts de l’énergie, vétusté… Les dépenses des collectivités pour acheminer et traiter l’eau explosent, et le dérèglement climatique jette de l’huile sur le feu.
C’est « inéluctable », estime le Conseil économique, social et environnemental (Cese) à propos de la hausse des tarifs de l’eau potable, dans un rapport paru en novembre 2023 où il alerte sur « la fin d’une eau bon marché à court et moyen terme ». Pour l’heure, l’information passe relativement inaperçue. Et pour cause, d’après un baromètre Kantar de 2022, les deux tiers des Français ignorent combien ils déboursent quand ils ouvrent leur robinet. Certes, ce n’est pas énorme : selon la Fédération des entreprises de l’eau (FP2E), cette consommation représente 0,8 % du budget des ménages, contre 4,8 % pour l’énergie.
Il n’empêche, ce bien de première nécessité n’échappe pas à l’inflation. L’Observatoire national des services publics d’eau et d’assainissement (Sispea) indique que le prix des services d’eau a déjà augmenté de 4,7 % entre 2022 et 2023, et celui de l’assainissement collectif, de 6,5 %. Et ce n’est que le début. D’après la FP2E, les dépenses en la matière grimperont de 28 % par an jusqu’en 2030. « Il est raisonnable d’anticiper des majorations tarifaires pouvant aller jusqu’à un doublement du prix en 2035 », prédit Régis Taisne, chef du département Eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).
Selon les régions, le prix de l’eau potable va du simple au double :
Le prix du mètre cube d’eau varie beaucoup selon les régions. La facture d’eau pèse pour 17 % dans le budget des ménages à Mayotte, contre 0,8 % pour les autres Français. « Des différences en général liées à la qualité de l’eau brute, qui implique de plus ou moins la traiter », explique Simon Porcher, économiste (lire aussi encadré « 3 questions à… »). S’ajoutent d’autres facteurs locaux, comme la disponibilité de la ressource, la dispersion de l’habitat, etc. À l’arrivée, les très petites et très grandes collectivités sont les moins chères. Plus denses, les métropoles sont en mesure de réaliser des économies d’échelle, tandis que les villages équilibrent leurs comptes avec le budget général. Mais « un prix bas peut aussi indiquer un manque d’investissements », avertit Simon Porcher.
Les coûts de l’énergie en surchauffe
Pour comprendre, décortiquons une facture. Un usager ne paie pas l’eau potable en elle-même, mais le service fourni pour l’assainir et la distribuer. Ces deux postes comptent respectivement pour 37 et 41 % du prix, auquel s’ajoutent redevances et taxes. La TVA, notamment, est plus salée qu’avant. Si le service « eau potable » est taxé au taux réduit de 5,5 %, celui de l’assainissement a été relevé à 7 % en 2012, puis à 10 % en 2014. En 2021, le prix moyen de l’eau s’établissait à 4,34 €/m3. Pour une consommation type de 120 m3 annuels, la somme à débourser était de 520,80 €.
En 2015, la loi NOTRe a planifié le transfert progressif des compétences « eau et assainissement » des communes vers les intercommunalités, avec l’objectif de mieux gérer la ressource, de faciliter les investissements et d’éviter que l’eau ne soit une variable électorale. Les détracteurs craignaient, eux, une déconnexion avec les habitants. À l’arrivée, ce changement d’échelle a entraîné une harmonisation des prix à la hausse, explique France Eau Publique, le réseau des opérateurs publics de l’eau. « Les très petites communes avaient la possibilité d’équilibrer leurs comptes avec le budget général, et pouvaient mobiliser des employés municipaux sur le service d’eau sans les y affecter directement », décrit son président, Christophe Lime. Au contraire, les autres collectivités doivent établir un budget séparé pour l’eau. Mais « ces trois dernières années, l’augmentation de la facture est surtout due au triplement des coûts de l’énergie », poursuit-il. Les installations en consomment beaucoup pour pomper et purifier l’eau : l’énergie représente actuellement 10 % des dépenses des services d’eau potable et 20 % des services d’assainissement. Le budget des produits chimiques destinés à traiter l’eau a aussi gonflé.
Micropolluants, la bombe à retardement
Une autre dépense est amenée à déborder : celle de la dépollution de l’eau. En 2023, une mission d’information du Sénat y voit même une « bombe à retardement sanitaire ». La raison ? Avec l’amélioration des analyses, les laboratoires mettent en évidence un nombre croissant de nouveaux polluants dans les échantillons prélevés : traces de médicaments, microplastiques, polluants « éternels » (PFAS), résidus de pesticides… « On constate une imprégnation générale des milieux », déplore Nicolas Chantepy, directeur général adjoint à l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse.
En parallèle, les normes se renforcent. Côté distribution d’eau potable, les agences régionales de santé ont commencé à anticiper les obligations européennes, qui imposent d’intégrer la détection de 20 PFAS dans les contrôles sanitaires avant 2026. Côté traitement des eaux usées, la directive européenne sur les eaux résiduaires urbaines est en cours de révision ; elle devrait astreindre à des performances plus poussées dans les stations d’épuration. « Les réglementations sont de plus en plus contraignantes et vont nécessiter des investissements substantiels », certifie Christophe Lime. Or, la France a pris du retard. En 2019, d’après les données compilées par la FP2E dans son étude « Au défi du changement climatique », seules 29 % des eaux de surface et 65 % des souterraines affichaient un « bon état global ». Un résultat très loin des objectifs de la directive européenne cadre sur l’eau, qui vise le 100 % de « bon état » pour les milieux aquatiques en 2027…
4,34 €/m3 : Prix moyen de l’eau au 1er janvier 2022, dont 2,13 €/m3 pour l’eau potable et 2,21 €/m3 pour l’assainissement collectif
148 l/jour : Consommation moyenne d’eau du robinet par habitant en 2021
54 m3 : Consommation moyenne d’eau domestique par habitant en 2021
520,80 €/an : Facture annuelle moyenne pour un abonné avec une consommation type de 120 m3 en 2021 (1)
En 20 ans, 5 000 captages ont été abandonnés car trop pollués, recense le ministère de la Transition écologique. Depuis 1998, la Commission européenne a engagé cinq procédures contentieuses contre la France en raison de manquements dans les rejets d’eaux usées. Bruxelles a également mis en demeure Paris face à des quantités de nitrates « excessives » dans l’eau potable. Et plus on cherche, plus on trouve. L’agglomération de La Rochelle l’a appris à ses dépens. Location de terrains en agriculture bio, replantation d’arbres et de haies… l’intercommunalité a mis en place une politique de protection de ses captages, et affichait des teneurs en pesticides « assez faibles », raconte Guillaume Krabal, vice-président de l’agglomération chargé de l’eau. Jusqu’à ce que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) décide, en juillet 2023, d’intégrer le R471811 dans les contrôles sanitaires. Derrière ce nom de code barbare se trouve un métabolite issu de la dégradation du chlorothalonil, fongicide interdit en 2019. À La Rochelle, lorsque les résultats tombent, c’est la douche froide. Comme presque partout dans l’Hexagone, les eaux captées dans le fleuve Charente dépassent la limite de qualité de 0,1 microgramme par litre (μg/l). Mais, surtout, les eaux pompées dans les nappes flirtent avec la valeur de 3 μg/l, au-dessus de laquelle l’eau ne peut pas être distribuée !
« Nous n’avons jamais atteint ce seuil, rassure Guillaume Krabal. Toutefois, en l’absence de connaissances sur cette molécule, nous avons décidé de fermer temporairement nos captages souterrains. » Depuis, l’agglomération se repose entièrement sur le fleuve, ce qui augure des semaines tendues si une sécheresse survient lors du pic touristique cet été. À l’avenir, Guillaume Krabal veut approfondir l’accompagnement des agriculteurs vers un modèle sans pesticides. En attendant, à court terme, il se sent démuni. « À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement basique contre le chlorothalonil, détaille-t-il. Seulement des méthodes chères, énergivores et qui, paradoxalement, nécessitent plus d’eau. » La seule analyse du R471811 entraîne déjà un surcoût annuel de 50 000 € pour La Rochelle.
Très chère filtration
Le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif), qui alimente 133 communes franciliennes et quatre millions d’usagers, a fait un choix différent. Il compte dépenser 870 millions d’euros pour équiper ses usines d’une filtration membranaire haute performance, alliant osmose inverse et nanofiltration. Un projet clivant vu sa consommation d’eau et d’électricité et son impact sur la facture, évalué entre 30 et 40 centimes du mètre cube. Le syndicat le considère pourtant indispensable. « La particularité du Sedif est de s’approvisionner à 97 % à partir d’eaux de surface, plus vulnérables, développe Arnold Cauterman, directeur général des services techniques. On ne peut pas prendre de risques. » Le syndicat reconnaît néanmoins avoir les reins solides, puisque « la densité de population permet un effet volume sur nos recettes ». À l’inverse, dans un sondage réalisé par l’Amorce, une association de collectivités, si 88 % des services d’eau potable disent être confrontés à des captages contaminés au chlorothalonil, 58 % confient ne pas avoir les moyens d’y faire face. Selon une estimation du Commissariat général au développement durable, décontaminer les eaux souterraines coûterait au minimum 522 milliards d’euros !
Quant aux actions de prévention, elles sont considérées comme trois fois moins chères, mais insuffisantes face aux pollutions historiques. « On lutte parfois contre des molécules interdites depuis des années », souligne Nicolas Chantepy. « Chez France Eau Publique, notre position n’est pas de nous lancer dans une course à la technologie, mais de chercher à supprimer le problème à la source », avance Christophe Lime. Et d’en appeler à l’État pour soutenir les collectivités et l’agriculture biologique. D’autant qu’au-delà d’une certaine concentration de polluants, il est interdit de tenter de la potabiliser. « En 2022, parmi les collectivités touchées par des interruptions d’eau, beaucoup avaient dû renoncer auparavant à un captage pollué, replace Nicolas Chantepy. [Or] c’est se fragiliser en période de sécheresse. » Régis Taisne recontextualise : « Il y a encore 20 ans, quand l’eau était polluée, on fermait le captage pour aller pomper ailleurs. Maintenant, la pollution est partout et on ne trouve pas forcément d’eau plus loin. »
La nouvelle donne climatique
Le réchauffement climatique est l’autre facteur explosif tirant les prix à la hausse. Il envenime tout. D’après Météo-France, la quantité d’eau douce renouvelable a déjà baissé de 14 % en métropole entre les périodes 1990-2001 et 2002-2018. Deux mécanismes sont responsables.
Le sud de la France va connaître un climat de plus en plus sec.
D’une part, « avec l’augmentation de la température, la pluie est davantage captée par la végétation au détriment de la recharge des aquifères », expose Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue. D’autre part, « le dérèglement climatique modifie le régime des précipitations », poursuit-elle. Ainsi, le nord de la France devrait être davantage arrosé, tandis que le Sud va s’assécher. En saison estivale, le cumul des précipitations baissera de 10 % à l’horizon 2050, selon les dernières simulations de Météo-France. Résultat, « partout en France, on subira des sécheresses plus fréquentes, plus longues et plus intenses, avertit la scientifique. Celle que l’on a connue à l’été 2022 sera un phénomène proche de la normale dans 25 ans. » Comparativement à la période 1976-2005, les sécheresses des sols seront alors deux fois plus nombreuses et dureront 15 à 27 jours supplémentaires. Plus d’un millier de communes en ont eu un avant-goût il y a deux ans, quand elles ont dû mettre en place des mesures drastiques pour ravitailler leurs habitants. Selon un rapport de l’Igedd, 343 d’entre elles ont recouru à des camions-citernes et 196 ont distribué des bouteilles.
En 2022, il a fallu distribuer de l’eau dans certaines communes.
Trop peu… ou trop plein. On aura moins d’eau, et en plus, les pluies seront plus irrégulières, occasionnant inondations et engorgement des réseaux – c’est ce qu’il s’est produit l’automne dernier à Arcachon, quand le système d’assainissement a débordé puis souillé les huîtres du bassin. Ce n’est pas tout. Le changement climatique affecte aussi la qualité de l’eau, d’abord parce que lorsque la quantité baisse, la concentration de polluants redouble. Et puis, l’été, « il n’est plus rare d’observer des rivières à sec en amont d’une ville, puis de nouveau alimentées en aval », note Charlène Descollonges. Décryptage : « Dans ces cas-là, le débit est entièrement soutenu par les rejets des stations d’épuration. Les rivières perdent leur capacité de filtration naturelle. » Se pose alors à nouveau l’enjeu des performances des stations d’épuration, pour éviter une multiplication des interdictions de baignade, des pêches contaminées et des proliférations d’algues.
Ces impacts croissants forcent les opérateurs à sortir le chéquier. Plus rare, l’eau devient plus chère. Elle exige de lourds travaux pour moderniser les canalisations, interconnecter les réseaux afin de sécuriser l’approvisionnement, mettre aux normes les stations d’épuration, construire de nouveaux déversoirs d’orages, ou encore miser sur la réutilisation des eaux usées. Sans oublier les solutions fondées sur la nature, comme la désimperméabilisation des sols.
Des dépenses énormes à prévoir
Le problème, c’est que les collectivités font déjà face à un mur d’investissements. Une montagne qui grandit, faute d’avoir été attaquée à temps. Le réseau est vieillissant, voire vétuste. En 2050, deux tiers des infrastructures auront plus de 70 ans, alerte l’Union nationale des industries et des entreprises de l’eau (UIE) dans une étude parue en 2022. Au rythme actuel de renouvellement, soit 0,6 % par an, les deux tiers des équipements n’auront pas été réhabilités en 2050. Et la tendance s’aggrave. « Entre 2017 et 2022, le niveau d’investissement a stagné pour l’eau potable, et a même baissé pour l’assainissement », renseigne Christophe Dingreville, le président de l’UIE.
Pire, un milliard de mètres cubes se perd chaque année dans les fuites, soit près de 20 % de la consommation d’eau potable. Comment en est-on arrivé là ? « La valeur économique de la perte d’eau est négligeable, alors que réparer une fuite a un coût pharaonique », résume l’économiste Alexandre Mayol, maître de conférences à l’université de Lorraine et spécialiste de l’eau. « Il est difficile pour un élu local de prendre la décision d’augmenter les prix, tempère-t-il. On peut toujours se dire que les travaux ne sont pas à un an près. » Mais « le risque est qu’il soit beaucoup plus cher de réparer les dégâts », avertit Christophe Dingreville.
Les collectivités ont pu être prises en tenailles entre des charges d’exploitation en hausse (2 % par an selon l’UIE), des aides des agences de l’eau au plus bas depuis 2007 et une volonté de contenir les tarifs. Cependant, « le jour où on manquera d’eau, on regrettera de ne pas l’avoir payée le juste prix », sermonne le président de l’UIE. Depuis la sécheresse de 2022, la procrastination montre ses limites. Plus question de pomper l’eau pour la perdre dans des tuyaux percés. Avec son confrère Simon Porcher (lire encadré « 3 questions à… »), Alexandre Mayol s’est penché sur les localités les plus en difficulté. « Nos premiers résultats indiquent que les communes ayant le mieux résisté sont celles qui avaient le mieux investi sur leur réseau, dévoile-t-il. On commence à prendre conscience que les travaux sont certes coûteux à court terme, mais apportent une assurance contre des restrictions violentes. » Modernisation des infrastructures, colmatage des canalisations et installations de capteurs de fuites : au total, l’UIE évalue à 4,6 milliards d’euros par an le surcroît d’investissements nécessaires, en plus des 6 milliards actuels. Des chiffres cohérents avec l’évaluation de la FP2E, pour qui il faudrait débourser 3 milliards de plus par an.
Le paradoxe de la sobriété
Pour les observateurs interrogés, la hausse annoncée n’est pas forcément un souci, plutôt un retour à un juste prix. « Ce qui n’est pas cher n’est pas considéré », selon Nicolas Chantepy. Confirmant la rareté, ce renchérissement favorise l’indispensable sobriété, car sans réduction de la demande, il manquera 2 milliards de mètres cubes en 2050, calcule Météo-France. Le Plan Eau vise un recul des prélèvements de 10 % d’ici à 2030. Mais la sobriété a un effet pervers : qui dit baisse de la consommation, dit baisse des recettes pour les collectivités… Afin d’équilibrer leur budget, elles devront relever leurs tarifs. « Ce changement de paradigme pourrait placer l’usager dans une situation paradoxale où, même en s’évertuant à réduire sa consommation d’eau potable, il verrait sa facture ne pas diminuer, voire augmenter », conclut le Cese.
Jusqu’où les usagers pourront-ils supporter l’escalade ? La Guadeloupe illustre le risque du cercle vicieux : malgré une eau à un prix parmi les plus élevés de France (5,48 €/m3), le taux de fuites y atteint 50 % et les compteurs individuels y dysfonctionnent à 40 %. Résultat, les impayés explosent, et seules 40 % des factures sont recouvrées. Pour éviter que ces situations ne se multiplient, les collectivités appellent à revoir le financement de la politique de l’eau et explorent diverses tarifications afin d’encourager la sobriété sans pénaliser les plus modestes. France Eau Publique prône également la réduction du taux de TVA : « Une manière pour l’État de contribuer à limiter la hausse des factures », argue son président, Christophe Lime. Côté opérateurs aussi, de nouveaux schémas émergent. En 2023, la métropole de Lille a signé un « contrat de sobriété hydrique » avec Veolia, qui devra réduire de 10 % la consommation sous peine de pénalités. Des expérimentations utiles, estime le chercheur Alexandre Mayol, car « le modèle ne tient plus debout ».
Un renchérissement de l’eau plus rapide que l’inflation
Selon l’Observatoire national des services publics d’eau et d’assainissement, on est passé de 3,62 € le mètre cube en moyenne en 2009 à 4,30 € en 2020. Soit, sur la période, une augmentation des tarifs plus importante que l’inflation (18,78 %, contre 12,4 %). Pour un usager ayant une consommation type de 120 m3, cela représente un surcoût de 516 € à la fin de l’année. Cette évolution tient à la hausse des prix de l’assainissement, qui ont bondi de 27,33 % pendant cet intervalle, contre + 11,05 % pour le seul service d’eau potable.
3 questions à Simon Porcher,
professeur de sciences de gestion à l’université Paris Panthéon-Assas (1)
Entre public et privé,
il n’y a quasiment pas de différence de prix
QC : Choisir une régie ou une délégation de service, cela joue-t-il sur le prix de l’eau ?
Simon Porcher : Dans les études que j’ai menées, les régies sont, en moyenne, 20 % moins chères que les délégations de service public (DSP). Toutefois, lorsque l’on compare toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire en éliminant les facteurs qui peuvent jouer sur les coûts, il n’y a presque plus de différence. En effet, les collectivités ont tendance à opter pour une DSP quand le service est difficile à gérer – si la topographie est complexe ou la ressource de mauvaise qualité, par exemple.
QC : Qu’en est-il du niveau d’investissements ?
Simon Porcher : En moyenne, les délégations de service public ont un taux de renouvellement du réseau plus élevé. Le fait d’avoir un contrat peut pousser l’opérateur à réaliser des travaux rapidement pour avoir de bons indicateurs de performance au moment de renégocier, tandis qu’une régie n’a pas de date limite. Au contraire, elle peut avoir tendance à repousser les travaux au mandat suivant.
QC : Comment expliquer la « remunicipalisation » ?
Simon Porcher : Ce mouvement a été lancé par de grandes villes de différents bords politiques : Grenoble en 2000, Paris en 2010, Nice ou encore Bordeaux et Lyon récemment. Elles en avaient les moyens humains et financiers, et ont conservé de bons indicateurs, ce qui a pu créer un effet d’entraînement pour d’autres types de collectivités. Il y a l’idée de reprendre la main sur un service à fort enjeu social et environnemental, et d’y apporter plus de transparence et de démocratie.
(1) Auteur de La Fin de l’eau ? (Fayard, 2024).