Pour venir à bout de douleurs du dos, les produits vendus en pharmacie ne font pas de miracle, mais ils peuvent favoriser le retour à la mobilité.
Un épisode de lombalgie dure en général trois à quatre jours, et parfois entre une et deux semaines. Dans 80 à 90 % des cas, au bout de trois mois, le mal de dos s’est complètement estompé. « C’est comme une grippe : ça arrive à tout le monde, et ça finit par passer », soutient Marie Miller, kinésithérapeute. Plus ou moins rapidement, quoi que l’on fasse… Toutefois, même sur quelques jours, la douleur peut être difficile à supporter. Il faut alors trouver le moyen de la soulager sans s’arrêter de vivre. C’est d’autant moins simple que, pour beaucoup, une atteinte du dos est vécue comme grave.
Pas de solution miracle
« En raison de la peur que suscite cette pathologie, un grand nombre d’injonctions circulent sur ce qu’il faut faire ou non, et comment le faire », constate Marie Miller. Or, le plus important est de dédramatiser, puis de gérer la crise avec pragmatisme. Le lumbago (bas du dos), la cervicalgie (nuque) ou les dorsalgies (milieu du dos) résultent d’une contraction musculaire permettant de nous protéger de ce que le cerveau a identifié comme étant un danger pour la colonne vertébrale. Les activités inhabituelles sont un terreau idéal : porter des cartons lors d’un déménagement, dévaler six jours d’affilée des pistes de ski sans préparation, rester assis plusieurs heures par jour alors que l’on a l’habitude d’être debout… autant de situations susceptibles de déclencher, au-delà des classiques courbatures, des douleurs dorsales.
La brutale mobilisation des muscles sert de bouclier. D’autres facteurs comme le stress, le manque de sommeil, l’humeur dépressive, le surmenage ou, au contraire, une activité insuffisante, une posture figée, etc. contribuent à l’émergence de problèmes de dos. La cause n’étant pas unique, la solution ne l’est pas non plus. « C’est comme une baignoire qui serait alimentée par plusieurs robinets. La douleur, c’est le moment où elle déborde. Si on se contente de fermer une arrivée d’eau en ne soignant qu’un muscle, un nerf ou un disque, c’est insuffisant. Il faut agir à plusieurs niveaux », note Marie Miller.
Retrouver le mouvement
Tout ce qui laisse penser qu’en une seule action on peut résoudre ses problèmes de dos est illusoire. Pour cette raison, mieux vaut se méfier des solutions miracles, qu’elles soient vendues en pharmacie ou sur Internet, ou qu’elles fassent figure de médecine alternative comme l’ostéopathie. L’idée que la douleur deviendra un mauvais souvenir en seulement une ou deux séances séduit, mais elle tient rarement ses promesses face à une pathologie aussi multifactorielle.
En réalité, quelle que soit l’option retenue, il existe très peu de preuves de ce qui fonctionne vraiment sur les douleurs du dos. Seule certitude, et contrairement à ce qui s’est longtemps pratiqué, l’immobilisation fait plus de tort que de bien. « Dans le mal de dos, le traitement de première intention, c’est le mouvement », insiste Christelle Nguyen, professeure spécialiste de médecine physique et de réadaptation à l’hôpital Cochin, à Paris. Il faut trouver le ou les moyens de demeurer actif, quitte à y aller progressivement si certains gestes sont impossibles.
Dans cette perspective, « plus que l’intérêt réel que présente tel ou tel traitement, c’est la raison motivant le choix qui compte », détaille Marie Miller. En clair, appliquer un gel puis rester allongé le temps qu’il agisse, sans rien faire d’autre, ne sera pas aussi efficace qu’utiliser le même produit dans le but de continuer à sortir le chien, même si la balade n’est pas aussi longue que d’ordinaire. Parfois, des mesures bénéfiques se heurteront à des obstacles difficiles à lever. Par exemple, une adaptation de poste en entreprise ne sera pas forcément accordée, pour des raisons liées à la politique de ressources humaines de l’employeur.
La guérison sera un horizon plus complexe à atteindre. Concrètement, pour parvenir à bouger de nouveau, l’apparition de douleurs au dos autorise, une fois les signes de gravité écartés (lire l’encadré), le recours à un médicament antalgique. « En gardant à l’esprit que son efficacité sera modeste », souligne la Pre Nguyen. Les myorelaxants, qui ne sont plus délivrés que sur ordonnance, sont inutiles et dangereux. Parmi les antidouleurs, le Tramadol, un opioïde qui n’a pas montré de supériorité par rapport aux autres molécules, présente de sérieux effets indésirables, et surtout génère des addictions. Mieux vaut donc privilégier le paracétamol, mais n’attendez pas que la situation devienne insupportable et prenez-en rapidement, dès les premiers signes de tension. Il faut viser un traitement ponctuel et, dans ce cas, il y a peu d’effets secondaires – à condition de ne pas dépasser 3 grammes par 24 heures et de bien patienter 6 heures avant d’avaler un autre cachet. Occasionnant davantage d’effets indésirables, les anti-inflammatoires, en crème ou en comprimés, ne vont pas de soi. S’ils se révèlent nécessaires, prendre un avis médical est fortement conseillé, en particulier pour déterminer le dosage et la durée du traitement, et savoir comment les associer éventuellement au paracétamol. En automédication, la prise ne doit pas excéder trois ou quatre jours.
L’écueil de la lombalgie chronique
« Couper court à la douleur, réussir à la faire taire, est important pour reprendre prise sur le quotidien. Il n’y a pas d’intérêt à se priver d’un antalgique », explique Christelle Nguyen. La crainte qu’il ne masque une dégradation n’est pas fondée. Une fois que les douleurs se sont atténuées, il faut commencer à rechercher les mouvements et les positions les plus confortables, en progressant petit à petit. Vous ne courez aucun risque d’aggraver votre état. Solliciter un ostéopathe n’est pas une mauvaise idée en soi. Mais les résultats s’avèrent aléatoires, les séances coûtent cher et cela ne dispense pas des autres démarches. La rééducation chez un kinésithérapeute permet notamment de s’approprier des exercices qui aideront à prévenir la récidive ou à minimiser le risque de chronicité.
Éviter la rechute
Car ce sont les deux pièges de la lombalgie. L’épisode peut survenir à nouveau quelques mois plus tard, voire s’installer. Pour éviter la rechute, se remémorer les circonstances de la crise passée, afin d’éviter les situations qui la provoquent, sera probablement bénéfique. Noter, dans un coin de sa tête, les « trucs » qui ont contribué à faire régresser la douleur semble également utile. Ne serait-ce que pour ne pas se sentir submergé par elle, et se rappeler l’issue favorable. Si l’essentiel des crises finit par s’arrêter, une partie d’entre elles persistent cependant sous forme de lombalgie chronique. Les pics douloureux se rapprochent et la souffrance ne disparaît plus complètement.
« Le dos gêne tout le temps », rapporte Marie Miller. Dans ce cas, le médecin a la possibilité de proposer des explorations radiographiques. Pas vraiment dans le but de trouver les causes de la lombalgie, rarement identifiables, mais pour écarter une affection demandant une prise en charge spécifique. La lombalgie chronique est majoritairement soignée en cabinet de kinésithérapie, et peut même faire l’objet d’une prescription d’activité physique adaptée (APA).
Quels sont les signes de gravité ?
Appelés « drapeaux rouges » dans le jargon médical, les symptômes qui doivent vous inciter à consulter en cas de douleurs dans le dos sont les suivants.
- La douleur n’est pas liée au mouvement, elle se fait sentir au repos et la nuit.
- Elle s’accompagne de signes neurologiques : faiblesses dans les jambes, incontinence, fourmillements, picotements ou engourdissement du bassin.
- Elle résulte d’une chute violente.
- Elle s’accompagne d’une perte de poids inexpliquée.
- Il y a un antécédent de cancer.
- La douleur survient dans un contexte d’usage de drogue en injection.
- Vous suivez un traitement de fond par corticoïdes.
- Vous souffrez d’une déformation de la colonne vertébrale.
- Vous avez aussi mal dans la poitrine.
Bon à savoir : Avant 20 ans et après 55, une douleur au dos est plus inquiétante.
Solutions – Des produits qui peuvent être bénéfiques
Minerve, gel, patch… vous disposez de plusieurs produits pour tenter de soulager vos douleurs de dos. Mais dans quel cas peut-on les utiliser, et quelles sont leurs précautions d’emploi ?
Minerve et ceinture lombaire
On n’a aucune preuve que ces deux dispositifs classiques écourtent les crises… mais contrairement à ce que l’on croit, ils ne font pas non plus fondre les muscles. Hélas, leur usage génère souvent une appréhension du mouvement. Or, moins on bouge, moins on est à même de le faire et plus on craint de se faire mal. Le risque est élevé d’entrer dans un engrenage douloureux.
On peut les utiliser de façon transitoire, afin de passer un cap ou de maintenir une activité, ou encore ponctuellement, pour soulever une charge.
Attention à ne pas les porter constamment en prévention d’une blessure ou par réflexe de protection. Si vous ne pouvez plus vous en passer, une rééducation est à envisager.
Pistolets de massage et dispositifs d’électrostimulation (1)
En stimulant localement la zone douloureuse, ces outils brouillent les messages sensitifs et diminuent la production de douleur. Il n’y a pas de guérison à long terme, seulement un soulagement sur le moment.
On peut les utiliser pour atténuer rapidement, et pendant quelques heures, l’intensité de la douleur, si cela permet de rester actif. La durée de l’épisode pourra, de ce fait, être indirectement réduite. Un bon point : aucun effet indésirable n’a été répertorié, à condition de ne pas provoquer de nouvelles douleurs.
Attention, le matériel coûte cher : une cinquantaine d’euros pour un appareil d’électrostimulation ou un système de patchs rechargeable, et de 70 à 250 € pour un pistolet de massage.
Gels, roll-ons, Baume du tigre et Baume Saint-Bernard
Les pommades ou gels avec des anti-inflammatoires comme les salicylés (Algésal Baume, Lumbalgine, Baume Saint-Bernard, etc.) n’apparaissent pas dans la littérature médicale. D’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), tels que le diclofénac (Voltarène), l’ibuprofène (AdvilMed, Cliptol Gel) ou l’acide niflumique (Niflugel) présentent, sur quelques jours, moins d’inconvénients que les comprimés. Appliqués localement, ils n’ont pas d’action réelle sur le muscle, mais endorment la douleur.
On peut les utiliser pour conserver une bonne mobilité et ne pas dramatiser. Mais seulement sur une courte durée et en complément d’une rééducation bien menée.
Attention, plusieurs AINS, notamment le diclofénac, sont photosensibilisants. Il ne faut donc pas s’exposer au soleil lors du traitement. Des huiles essentielles, du camphre ou du menthol pouvant entrer dans la formulation, il y a un risque d’irritation ou de réaction allergique. Évitez le contact avec les muqueuses.
Bon à savoir Les produits comme le Baume du tigre et ses déclinaisons, qui ne comportent que des huiles essentielles, du camphre, du menthol ou de l’eucalyptus pour procurer une sensation de chaleur ou de fraîcheur, n’ont pas montré d’utilité réelle. Ils peuvent apporter une sensation de confort, mais gare aux éventuelles irritations et allergies.
Poches ou patchs chauffants et sprays de froid
Tels l’électrostimulation ou les pistolets, l’application de chaud ou de froid, selon chacun, peut diminuer légèrement le ressenti de la douleur pour une durée limitée. Toutefois, les études sur le sujet n’ont pas montré d’efficacité franche ni durable.
On peut les utiliser en fonction de ses préférences, afin de rester dans une dynamique et de vivre le plus normalement possible malgré la douleur.
Attention au risque de brûlure avec les poches à chauffer et celles que l’on stocke au congélateur. Prenez garde aussi aux huiles essentielles qui entrent dans la composition de certains patchs ou sprays : elles peuvent entraîner des allergies ou des irritations, alors qu’elles n’ont aucun effet démontré sur les contractures ou les douleurs. Enfin, surveillez les durées d’application des patchs : respectez les instructions portées sur la notice.
Compléments alimentaires
Sur les présentoirs des pharmacies et des parapharmacies, nous avons trouvé deux compléments alimentaires à base de plantes (Primaner nuque & dos, Myocalm décontractant) ciblant les douleurs dorsales, sans trop de détails sur le mécanisme d’action. Et pour cause, les vertus de la phytothérapie en la matière ne sont pas du tout prouvées. À noter, la présence de taurine dans Myocalm, un acide aminé qui a de réels effets… mais pas sur les lombalgies. Ces produits détournent de méthodes plus intéressantes, mieux vaut donc les éviter.
(1) Neurostimulation électrique transcutanée (TENS), patchs, électrostimulateurs.
Anne-Sophie Stamane avec Marie Miller, kinésithérapeute